Le patron : Et bien installez vous, vous pouvez commencer,
Je vous rappelle aussi, la plus petite fait.
Suzon : La reine de carreau, c’est pas mal je crois.
Mireille : Ça ne suffira pas, j’ai retourné un roi.
Le maire : Mais que vois-je donc là, quel est ce jeu de cartes
Qui manifestement fait part belle aux monarques ?
Il est hors de question que nous continuions
A jouer de la sorte, vive la révolution !
Mireille : Monsieur le maire sans doute, vous avez remarqué
Que quand c’est de l’atout, le roi c’est le valet.
Le curé : Et bien sûr également, s’il manque une couleur,
On peut toujours couper, même la reine de cœur.
Suzon : Et comme, il faut donner la main aux malchanceux.
Je vais distribuer pour vous aider un peu.
Le curé : Vous nous donnez la main ! Alors on croit rêver
Car c’est au poing fermé qu’on était habitués.
Le maire : Arrêtez de gémir, même le poing tendu
Est toujours préférable aux coups de pied au cul.
Mireille : Atout pique ? Je passe, c’est la première partie.
Le maire : Il faut être prudent, je passerai aussi.
Le curé : J’hésite mais enfin, je vais quand même prendre
Atout pique Mireille.
Mireille : Oui j’essaie de comprendre
Mais je préfère le bridge à la vulgaire belote.
Le curé : Enfin, vous plaignez pas, y a la pissarotte !
Comptez bien les atouts, nous en aurons besoin.
Le maire : Ah ! Ne commencez pas à lui tenir la main.
On sait bien que Mireille est toujours très prudente
Mais enfin on joue pas, ce soir à la parlante.
Mireille : Pas facile la belote,
Le curé : Jouez, n’ayez pas peur.
Suzon : On dirait une poule qui regarde un tracteur.
Mireille : Je n’hésiterai pas à démarrer à trèfle,
Mais j’ai peur que l’abbé ait pris avec des nèfles.
Le curé : (agacé) Enfin c’est atout pique,
Mireille : Je sais mais j’en ai pas,
Et je sais pas comment on joue dans ces cas là !
Le maire : Alors Mademoiselle, vous faut-il un croquis ?
Ce n’est plus la parlante,
Suzon : C’est une plaidoirie
Vous pourriez même aussi lui montrer votre jeu,
Ou lui faire des signes,
Le maire : Pour qu’il comprenne mieux.
Le curé : Démarrez donc Mireille, faites moi donc plaisir.
Mireille : Je vous l’ai dit l’abbé, il me faut…..réfléchir.
Suzon : (sévère) La réflexion Mireille peut se faire en silence.
Le curé : On peut quand même dire, un peu, ce que l’on pense.
Le maire : A la Mairie, peut-être, mais aux cartes… jamais !
C’est la grande muette, c’est comme dans l’armée.
Le curé : (de plus en plus impatient) Allons jouez Mireille
Mireille : Oui, mais j’hésite encore
Partir à trèfle ou cœur, peut changer notre sort.
Suzon : Bon, écoutez ça va, maintenant c’est assez
C’est l’élimination si vous voulez tricher.
Le maire : (s’adressant à Mr Jeannot) Tout ça me donne soif, voulez-vous s’il vous plaît
Nous apporter à boire, ce soir, c’est ma tournée.
Le patron : Allez, je vous écoute,
Le maire : Un rouge,
Suzon : Un rosé,
Le curé : Un Kir dans un grand verre,
Mireille : Un demi panaché.
Le patron : Je vous apporte ça, pour pouvoir bien jouer
Il faut sans aucun doute, bien se désaltérer.
Le maire : Et si nous revenions à nos propres moutons.
Le curé : Allez enfin jouez, prenez une décision.
Mireille : Ah ! J’hésite encore et je voudrais bien faire
Mais je n’ai pas d’atout, ça complique l’affaire.
Le patron : (tout en servant) C’est vrai que les atouts, c’est comme le pétrole
Celui qui n’en a pas, peut pas faire le mariole.
C’est mieux que le pinard….
Le maire : Ah ça nous on en a
Mais comment l’échanger ? Les émirs picolent pas…
Le curé : (excédé) J’ai fait ce que j’ai pu et elle hésite encore.
C’est vraiment comme au bridge, je joue avec un mort !
Mireille il est très tard et tout le monde attend.
Suzon : On se croirait vraiment à un accouchement.
Le curé : Allez, joue dans ta longue, si tu n’as pas d’atouts.
Le Maire va couper, je monterai, c’est tout.
Et c’est une façon de me donner la main.
Suzon : Mais c’est de mieux en mieux, c’est de moins en moins fin.
Ils nous prennent pour des cons,
Le maire : Mais oui, ils se surpassent.
Je ne supporte plus toutes ces messes basses.
Suzon : (s’adressant à Mr Jeannot) On vous prend à témoin, voyez Monsieur Jeannot
Ces deux là devant nous trichent à tire-larigot.
Oui ils se déshonorent et ils nous humilient,
Le maire : Je ne m’attendais pas à tant de perfidie.
Le curé : Vous employez des mots qui me vont droit au cœur
Et qui me le transpercent : perfidie, déshonneur,
Même entre adversaires, des paroles aussi dures,
On devrait les bannir, on devrait les exclure
Vous me fendez le cœur, (s’adressant à Mireille) : vous qu’est-ce que ça vous fait ?
Mireille : Oh moi ça m’est égal, je sais pas quoi jouer.
Le curé : Ils me fendent le cœur … et je vous le redis
Mireille : C’est pas la première fois, ne soyez pas contrit.
Le maire : N’imitez pas César, perdez pas votre temps
Escartefigue aussi comprenait lentement.
Le patron : Bientôt il va falloir penser à faire dodo.
Mireille : (perdue dans ses pensées) : Mais j’y pense l’abbé, si je jouais carreau.
Extrait du Cabaret du Trech 2016, d’après un ancien texte de Charles P.